Après la récente victoire remportée par la motion de boycott d’Israël au sein du syndicat des étudiants diplômés de l’Université de Californie, un des étudiants qui a combattu cette motion écrit, pour le quotidien israélien Haaretz, un article intitulé : « Comment je sais que BDS va gagner et que je perdrai ». Voici ce que cela donne, vu de sa fenêtre :
“COMMENT JE SAIS QUE BDS VA GAGNER ET QUE JE PERDRAI”
Par Raphael Magarik*
La campagne BDS est convaincante car elle offre une solution concrète. Si les juifs veulent empêcher le mouvement de boycott de gagner du terrain, nous devons offrir un plan alternatif pour mettre fin à l’occupation.
Ce mois ci, le syndicat des étudiants diplômés de l’université de Californie, a voté pour se joindre au “Boycott Désinvertissement Sanctions contre Israel. C’est la première fois que les membres d’un syndicat majeur vote une motion favorable au BDS.
Je suis un membre de ce syndicat, qui représente 13.000 étudiants travailleurs et j’ai combattu l’adoption de cette résolution. Mais en faisant campagne, j’ai pris conscience d’une vérité amère. BDS ne peut que se renforcer, à moins que les juifs américains offrent une possibilité de sortir des territoires palestiniens occupés.
La majorité des juifs attribue le plus souvent l’activisme anti-israélien à un mélange d’antisémitisme et de désinformation ; du coup, ils préconisent des condamnations et une amélioration des relations publiques. Mais la haine des juifs et la stupidité existent depuis longtemps et ne peuvent expliquer pourquoi la majorité de mon syndicat a voté pour cette motion et pourquoi le mouvement BDS se renforce ?
Les progressistes apprécient la liberté, la démocratie et l’égalité et ils voient en Cisjordanie un régime israélien qui ressemble à Jim Crow ou à l’Apartehid en Afrique du Sud : inégalité des droits de votes, au sein du système judiciaire, à l’accès aux fonds publics, et autres.
Au cours des années 1990, les juifs progressifs n’ont cessé d’expliquer que tout se réglerait par des négociations qui verrait l’aboutissement d’un Etat palestinien et qu’il nous suffisait de soutenir ce processus de paix. Mais ce plan a échoué. Les négociations n’ont mené nulle part. Netanyahou n’a d’ailleurs pas l’air intéressé par un accord de paix et Mahmoud Abbas est trop faible. L’Etat palestinien est devenu un songe de plus en plus lointain tandis que les colonies se multiplient en toute impunité.
Pour les progressistes ce conflit est désormais davantage appréhendé comme un combat pour les droits de l’Homme que comme une lutte nationaliste.
Le mouvement BDS offre une analyse du problème et une stratégie de changement. Et les progressistes américains voient dans ce mouvement la seule manière plausible d’en finir avec l’occupation.
Même les juifs qui ne sont pas de droite et qui ne nient pas l’occupation, mais préconisent une solution à deux Etats ne proposent aucune stratégie pour faire aboutir cette option. Ils n’exercent aucune pression sur le gouvernement israélien, se contentent de se plaindre constamment de « l’intransigeance palestinienne » et espèrent finalement que le statu quo va perdurer indéfiniment.
Les militants BDS s’appuient en revanche sur l’exemple sud-africain où les citoyens ont graduellement isolé le régime d’apartheid, en faisant un état paria dont le régime immoral a fini par s’écrouler.
C’est pourquoi les stratégies anti-BDS actuelles échoueront. Il n’est pas possible de convaincre des progressistes que les Palestiniens sont responsable de leur propre souffrance. Cela ressemble trop à la tactique classique des conservateurs consistant à rejeter la faute sur la victime en cas de viol ou de violences policières.
Quand le groupe de lobbying israélien « StandWithUs » (« Soutenez-nous ») prétend que « le véritable objectif de BDS est la destruction d’Israël et la fin de l’auto-détermination pour les juifs » , les progressistes ne peuvent s’empêcher de constater le déséquilibre des forces en présence : la force d’Israël en comparaison du manque de moyens des Palestiniens rend cet argument aberrant.
Accuser les militants BDS d’être antisémites ne marche qu’un moment. Il y a sans doute des antisémites au sein du mouvement ; mais j’ai aussi de bons amis — y compris des juifs— qui soutiennent BDS et qui n’ont rien contre les juifs, au contraire.
Cette accusation systématique d’antisémitisme pour essayer de délégitimer le mouvement BDS, ne fait qu’entâcher notre crédibilité.
Ces soutiens d’Israël, par leurs accusations sans nuances, ne font que radicaliser le mouvement anti-Israël. En attaquant violemment tous ceux qui osent critiquer l’occupation — y compris les sionistes partisans d’une solution à deux Etats— la communauté juive pousse les critiques des politiciens de droite comme Benjamin Netanyahu et Naftali Bennett dans les bras de BDS.
J’ai moi-même été traité de « Kapo » pour avoir écrit un article contre BDS mais mentionnant l’occupation.
Même chose pour J Street diabolisé et accusé de compromettre les relations entre les USA et Israël.
Une fois de plus, si nous voulons mettre en échec la campagne BDS nous devons mettre fin à l’occupation. En temps que juif américain favorable à deux Etats, je suis pour une politique de désinvestissement des firmes établies en Cisjordanie et d’investissement dans les secteurs progressistes de la société israélienne. Mais si vous avez une meilleure idée, je suis ouvert.
Mais si vous préférez nous diaboliser tous, y compris le New York Times, Jon Stewart et les Presbytériens, allez-y, continuez comme cela, mais ne vous étonnez pas qu’un autre syndicat adopte bientôt à son tour une motion BDS !”
*Raphael Magarik, étudiant en Anglais et Etudes Juives à l’université de Californie à Berkely
http://www.haaretz.com/opinion/.premium-1.634297
(Traduit par Catherine S. pour CAPJPO-EuroPalestine)