Shoïgou en Amérique Latine. Analyse géopolitique

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Le journal et portail d’informations Zavtra proposait le 13 février une première analyse en termes géopolitiques de la mission du Ministre de la Défense de Russie Sergueï Shoïgou. Il s’agit d’une analyse triple car elle est confiée à trois spécialistes en la matière ; Boris Djerelievski, expert militaire, analyste au Centre des Libertés Politiques, vétéran d’Afghanistan et de Tchétchénie.  Leonid Savine, politologue, Rédacteur en Chef du Journal et Portail d’Informations Geopolitika et Anatoli Vasserman, journaliste, publiciste, consultant politique, spécialiste de l’Ukraine.

Le Ministre de la Défense de Russie, Sergueï Shoïgou se trouve en tournée en Amérique Latine. Il s’est rendu au Venezuela et au Nicaragua. Ce vendredi, le chef du département de la défense séjourne à Cuba.
Pendant la visite à Managua fut signé un accord intergouvernemental concernant la simplification du régime d’entrée des navires de guerre des forces navales de Russie dans les ports du Nicaragua. De plus, au cours des entretiens furent signés d’autres documents en matière de coopération militaro-technique entre les deux pays. Le Président Daniel Ortega décerna au ministre russe la « Grande Croix de l’Armée du Nicaragua », pour ses mérites envers le peuple du pays dans sa lutte contre les conséquences des situations d’urgence.
A Caracas, Shoïgou fut décoré des mains de son collègue Vladimir Padrino Lopez pour ses mérites en matière de garantie de la sécurité nationale.

DjerelievskiBoris Djerelievski.

Il s’agit d’une visite importante et opportune. Nous sommes en train de récupérer ce qui fut notre position en Amérique Latine. En même temps, avec l’établissement de ces nouveaux contacts s’ouvrent de nouvelles modalités de coopération. La  restauration de notre présence politique, économique et militaire en Amérique Latine, dans le ventre mou des États-Unis est extrêmement importante. Elle recèle la possibilité d’une réponse symétrique aux agissements des États-Unis en Europe et au Proche Orient.

Pour ce qui concerne le récent adoucissement de la confrontation américano-cubaine… il est bien connu que dès que les États-Unis se mettent à construire des relations particulières, il ne s’agit de rien d’autre que des signes avant-coureurs d’une révolution de couleur. Les États-Unis espère fortement qu’avec le départ des frères Castro, ils parviendront à mettre en place un régime pareil à celui qui précéda la révolution de 1959. Mais les Cubains comprennent cela parfaitement et interprètent le processus en cours de façon adéquate, avec la plus grande prudence. C’est pourquoi il n’est pas sûr que les États-Unis parviennent à réaliser leur plan. Les Cubains disposent d’une bonne expérience de la résistance aux actions déstabilisatrices que les États-Unis ont menées contre Cuba pendant des décennies.

Leo SavinLeonid Savine.

Il est encore tôt pour considérer que la tournée de Shoïgou dans les pays latino-américains serait un événement clé et déterminant.
Il s’agit d’un type de collaboration qu’il convient de développer progressivement, pas à pas, afin de préparer les peuples et leurs dirigeants à une perception positive à notre égard. Tout doit se faire selon les normes et lois locales. Par exemple, dans une série de pays, il est interdit d’installer des bases militaires étrangères. C’est la raison pour laquelle la signature avec le Nicaragua d’un accord facilitant l’entrée de nos navire de guerre représente une sorte de manœuvre de contournement qui renforce notre présence militaire dans la région. Et il ne s’agit pas seulement du Nicaragua; cela concerne le bassin des Caraïbes tout entier, un nœud stratégique d’importance. Et la construction du canal du Nicaragua signifie qu’il est nécessaire d’accorder une attention encore plus particulière à cette région.

Ce voyage revêt une importance particulière, à la lumière de l’adoucissement des relations entre Cuba et les États-Unis. Il est plus que probable que ces derniers vont tenter de monter un coup d’État , avec l’aide des dissidents cubains. Les paroles de Fidel Castro, disant «par anticipation, nous ne faisons pas confiance aux États-Unis, et nous mènerons notre politique », montrent que dans les cercles dirigeants de l’île de la Liberté, on est conscient de tout cela. De ce point de vue, la collaboration mutuelle avec les organes compétents de la Fédération de Russie seront très utiles à Cuba. Bien que leurs services spéciaux soient suffisamment forts, au point qu’ils viennent en aide au Venezuela et à d’autres pays de l’ALBA, l’alliance socialiste des pays d’Amérique Latine et du Bassin des Caraïbes.

Du point de vue de Washington, le Venezuela représente un élément-clé dans les plans de déstabilisation de l’Amérique Latine. La présence de la Russie doit contribuer à améliorer la situation dans la région. L’ennemi veille. Il convient de toujours s’en souvenir. Mais a priori, nous ne nous reposons pas sur une quelconque confrontation, mais bien sur la collaboration mutuelle entre nos pays.

A VassermannAnatoli Vasserman.

La visite du Ministre de la Défense de la Fédération de Russie dans les pays d’Amérique Latine, et la conclusion d’accords mutuellement avantageux pour nos pays sont considérés comme extrêmement désagréables par les américains.Ils ont été habitués à considérer toutes les terres au Sud du Rio Grande (littéralement, le grand fleuve, désigné ainsi alors qu’il consacrait la séparation entre les États-Unis du Mexique et les États-Unis d’Amérique), comme leur propre jardin, duquel il leur était possible à tout moment d’extraire tout ce dont ils avaient besoin, et où ils pouvaient entasser tout ce qui avait cessé d’être utile. Toute activité de pays tiers dans ces régions est naturellement considérée avec grande indignation. Le cinquième Président des États-Unis, J.Monroe   a proclamé sa doctrine : «l’Amérique aux Américains», selon laquelle les États de l’Ancien Monde n’avaient absolument rien à faire dans le Nouveau Monde. Aujourd’hui les États-Unis s’arrogent le droit d’être les maîtres du monde entier.

Toutefois on peut supposer que n’aura pas lieu une crise à la limite de la guerre telle celle qui survint en 1962, lorsqu’en réponse à l’installation des missiles balistiques américains en Turquie, nous étions convenus d’installer le nôtre à Cuba. A cette époque, il en résultat une partie nulle, qui en vertu de la propagande américaine fut interprétée comme une victoire des États-Unis.

Aujourd’hui, il ne faut pas essayer de pousser les Américains à essayer d’échanger leur sortie d’Ukraine contre notre sortie du Nicaragua et du Venezuela. Car dans le cas actuel, il ne peut y avoir de partie nulle dans la mesure où l’Ukraine, c’est une partie de la Russie, alors que le Nicaragua n’est en rien lié à Washington. (…)

Nous n’échangerons pas notre présence en Amérique Latine contre la présence des américains dans le Monde Russe en général, et dans la Fédération de Russie en particulier. Le fait que le pouvoir légalement élu au Nicaragua estime nécessaire de conclure des accords avec nous, de même que le pouvoir légalement élu en Ukraine l’estimait aussi, ne change rien à l’obligation des américains de quitter les lieux où ils essaient d’implanter leurs marionnettes.

Source.

Фото: Управление пресс-службы и информации минобороны РФ

http://www.russiesujetgeopolitique.ru/shoigou-en-amerique-latine-analyse-geopolitique/

3 Commentaires
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Michel Loncin
Michel Loncin
18 février 2015 16 h 59 min
Voilà qui est parler !!! Les Etats-Uniens et leurs complices Canadiens (sans compter l’Austrlaie et la Nouvelle-Zélande) entendent dominer le Monde (ils le font déjà dans quasi toute l’Europe dont la souveraineté des Etats leur a été livrée par l’intermédiaire des Hommes de paille siégeant à Bruxelles sans avoir été élus) …
La réponse de la Russie doit être proportionnée : la collaboration avec les états anciennement TYRANNISES d’Amérique centrale et latine !!! Ainsi, les Etats-Unis sentirontdans LEUR ventre mou ce qu’il en coûte de répandre leurs MENACES à l’égard de la Sainte Russie qui existe depuis plus de MILLE ans … lors qu’eux mêmes ne doivent leur existence qu’à une REVOLTE et au plus COLOSSAL HOLD UP de toute l’Histoire : celui des peuples amérindiens et du Mexique !!!
Drago
Drago
19 février 2015 7 h 24 min
A signaler aussi que Cuba exige la restitution de Guantanamo (Cuba n’a jamais encaissé les chèques de bail des Etat-Unis depuis les années 50). Je crois que le seul endroit d’où la Russie sera isolée sera…. le Parc de la Maison-Blanche.
Vanka Zukov
Vanka Zukov
19 février 2015 9 h 43 min
Si l’Europe de l’Est s’est transformée depuis une vingtaine d’années en Amérique latine du temps des dictatures militaires, les Américains y menant des opérations clandestines, des guerres de basse intensité, des coups d’Etat etc… l’Amerique du sud est en revanche en passe de devenir un allié majeur de la Russie, une sorte d’étranger proche de compensation. Les arrière-cours respectives jouent des rôles à contre-emploi.