Que dirait le Général de Gaulle aux Français d’aujourd’hui ?

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Français, Françaises, nous avons deux voisins. L’un se trouve à portée de voix: la Russie; l’autre habite un continent d’au-delà des mers, distant de six mille kilomètres de nos rivages, mais qui, depuis soixante douze ans, a planté cinq cents garnisons armées jusqu’aux dents sur nos terres et qui manifeste la ferme intention de ne jamais repartir.

Notre tâche est donc aussi claire qu’évidente: il nous faut retrouver la souveraineté de notre patrie et celle du continent de Copernic, de Descartes et de Voltaire. La question n’est plus que de savoir quel rôle la Russie jouera dans la configuration nouvelle du globe terrestre qui s’ouvre devant nous, mais de tracer clairement les premiers contours d’une civilisation dont le centre de gravité serait franco-russe.

Le premier devoir d’un chef d’Etat informé de l’histoire réelle des nations est de réfuter la prédéfinition de la nature même des relations internationales que l’on tente de faire triompher. Qu’en est-il du concept “d’ingérence” si artificiellement contrefait? Imaginons une France du XVIIe siècle qui n’aurait pas consacré toutes les forces de sa diplomatie afin de tenter de faire élire un pape favorable à ses intérêts nationaux par le cénacle des cardinaux, à l’heure où l’Eglise traçait les lignes de force du gallicanisme. Certes, le pape élu était censé se trouver expressément choisi par la volonté souveraine de la divinité en personne, mais il fallait lui prêter une main vigoureuse, comme il faudra trois siècles plus tard, prêter non moins énergiquement la main au fameux “processus historique” du marxisme afin qu’il voulût bien porter au pouvoir une classe dirigeante issue de la sainte volonté du prolétariat mondial.

Or, la Russie n’est pas seule : à ses côtés, la Chine et l’Inde dressent déjà leur immense silhouette. Il nous faut donc nous demander de la manière la plus pressante comment nous ferons du monde de demain une civilisation de la pesée des âmes vives et de la pesée des âmes mortes de Gogol.

Il apparaît de plus en plus clairement que la Chine entend exercer une souveraineté pleine et entière sur l’Asie centrale et que l’heure sonnera donc inévitablement où la Russie aura besoin de l’Europe pour fonder avec elle un duumvirat à l’échelle planétaire. Si, entre temps, nous n’avions pas clairement pris conscience de cette situation et si nous ne l’avions pas théorisée dans tous ses détails, comment pourrions-nous seulement rêver d’un réembarquement pour les Etats-Unis des cinq cents bases militaires qui occupent l’Europe depuis 1945 et, avec plus de fermeté encore, depuis 1949, date du déclenchement de la guerre froide?

Nous nous trouvons donc d’ores et déjà placés à un tout autre carrefour de l’histoire du monde, celui d’une mutation du regard du genre humain sur lui-même et sur son destin. Cette situation n’est pas nouvelle: au IVe siècle, un ancien préteur romain, saint Ambroise, avait tenté d’apposer le sceau du christianisme sur l’histoire du monde – mais la langue de l’empire romain était empreinte de la lourdeur, de la lenteur et des solennités du temporel. Elle n’était pas en mesure de christianiser l’univers. Il a fallu attendre sa mutation interne pour que saint Augustin pût entrer dans le combat de christianiser la langue de Cicéron. Avec Les Confessions de cet évêque, le latin a acquis une sensibilité, une douceur, un souffle spirituel, une aura inaccessibles aux Salluste, aux Pétrone ou aux Quintilien.

C’est ce nouveau diapason de la langue française qu’il s’agit de conquérir. De nos jours, on voit des auteurs briser le rythme du français classique, afin de semer partout des surprises et de l’inattendu. Andocide pour les Grecs, Pétrone pour les Romains ont tenté de comprimer et de donner un pas hyper-pressé à l’éloquence latine; mais celle-ci n’y était nullement préparée. C’est l’âme et la tonalité du français qu’il faut donc porter à un autre niveau, et cela ne se fera que dans la continuation de la métamorphose du latin sous la plume de l’auteur des Confessions.

Rousseau avait compris cela d’instinct: il était allé porter de nuit ses propres Confessions sur l’autel de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Mais les temps n’étaient pas mûrs et son génie était trop épris d’un spectaculaire superficiel pour qu’il pût porter le génie français à une nouvelle souveraineté intérieure de la pensée occidentale et étendre le champ de son regard à une lucidité transcendante aux grigris collectifs planétaires qu’on appelle des théologies.

Dès les jeux olympiques d’hiver de Stochi en 2014, il était devenu bien évident que la Russie entendait placer cette compétition internationale sous le signe de relations prospectives entre l’internationalisme de la culture française et l’internationalisme immanent à la culture russe. Depuis lors, il est devenu encore plus évident que l’espèce humaine ressortit à une animalité cérébralisée et prospective et que seules la Russie et la France bénéficient d’une disposition innée à faire entrer une anthropologie critique en mesure de forger une intelligentsia scientifique capable de comprendre la signification d’une religion chrétienne construite sur le mythe d’une divinité censée se subdiviser en trois “personnes”, un “père”, un “fils” et un “Saint esprit”.

Cette construction familiale de l’origine, de la finalité et des intentions du cosmos ne devient intelligible au sens psychophysiologique du terme que si l’une ou l’autre civilisation dispose de moyens virtuels de comprendre la Trinité sur le terrain psychogénétique, donc anthropologique. Car toute divinité repose évidemment sur une symbolique et un Dieu symbolique ne saurait se donner une progéniture physique, ce qui signifie que le Père et le Fils sont tous deux des personnages symboliques et que le Saint Esprit qui les soutient ou les chapeaute se révèle symbolique à son tour.

Pour préciser la nature et l’avenir d’une civilisation franco-russe, il nous faut donc une réflexion capable de décrypter les fondements anthropologiques de ce mythe de la trinité, puisque c’est du vêtement de ce mythe-là que le christianisme s’enveloppe depuis vingt siècles. Quand deux civilisations s’entendent sur un cadrage aussi fondamental, elles ne peuvent que s’approfondir ensemble. Or, si l’Occident catholique attelle le Père et le Fils à la charrue de l’histoire, l’orthodoxie russe les subordonne tous deux à un personnage insaisissable, réputé les chapeauter de haut et censée avoir débarqué sur la terre avec la Pentecôte.

Fonder une anthropologie critique capable de radiographier ce mythe, c’est se donner l’arène d’une réflexion fidèle à la fois au “connais-toi” socratique et aux Confessions d’Augustin qui, pour la première fois, a élevé le genre humain au rang d’un interlocuteur de lui-même et de personne d’autre.

L’approfondissement de la connaissance scientifique sur l’anthropologie d’une divinité trinitaire, met donc nécessairement la France et la Russie en dialogue sur le mode le plus originel possible, celui de la définition de la hauteur et de la bassesse, de la grandeur et de la petitesse, d’un aristocratisme des sommets et des ruptures de l’ignoble.

Qu’on le veuille ou non, il faudra donc forger des âmes capables de féconder la civilisation franco-russe à partir de l’évidence qu’aucun démiurge ne s’est attardé à créer des plaines, des montagnes, des mers et des fleuves. Il faudra bien forger une humanité qui acceptera qu’il n’y ait personne dans son dos, qui acceptera comme une évidence qu’il existe des milliards de soleil en feu et des vermisseaux acharnés à ramper sur une petite boule instable. Une civilisation du néant est à nos portes – à nous d’apprendre à féconder le vide et le silence de l’éternité. Pour cela, il nous faudra, comme l’écrivait Balzac, à “arracher des mots au silence et des idées à la nuit”.

Mais ne sommes-nous pas déjà en route sur ce chemin-là, puisque nous retrouvons, à ce carrefour l’homme qui savait qu’il ne savait rien et qui avait fait de la science de son ignorance, l’objet même de la philosophie occidentale? es à ses yeux son propre assujettissement rampant. Déjà nous observons comment l’étau de l’OTAN se referme sur elle.

source:http://aline.dedieguez.pagesperso-orange.fr/tstmagic/1024/tstmagic/decodage/de_gaulle_francais.htm

13 Commentaires
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Cap 360
Cap 360
23 novembre 2017 11 h 22 min
Il dirait…bombarder la Syrie et surtout Damas ! 🙁
Bardamu
Bardamu
23 novembre 2017 11 h 53 min
Je me suis arrêté lorsque de lire lorsqu’il s’est agit de Rousseau. Cet individu représentait le génie de la langue française au service d’une pensée en état de putréfaction avancée. Désolé.
Bardamu
Bardamu
23 novembre 2017 11 h 55 min
Répondre à  Bardamu
Comme quoi on peut dire que l’excrément, non seulement monte à cheval, mais encore qu’il s’y tient bien !
Xiaozhenghe
Xiaozhenghe
23 novembre 2017 13 h 23 min
N’en déplaise aux précédents commentateurs, voici un texte qui fait date en ce sens qu’il porte l’empreinte de notre histoire et de celui qui a sut lui redonner son cours !
Thomas MORE
Thomas MORE
23 novembre 2017 14 h 31 min
De Gaulle en 2017? Merci Manuel de Diéguez! Je vais étudier votre article et le distribuer à mes amis. L’essence du message de de Gaulle, en dehors de l’Homme de l’Histoire, serait le message du Charpentier de Nazareth. Comme dans toutes les familles aristocratiques (petite noblesse du Nord), l’enseignement du Christ était sacré, par conséquent, comme vous le faites, St Augustin avait une place à part, comme Paul de Tarse et sa conversion subite sur la route de Damas! De Gaulle, à contrario de Malraux – était une Gnostique qui considérait que la France était avant tout “la fille ainée de l’Eglise”, comme Philippe de Villiers et comme tous mes aristo du Centre de la France.
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De Gaulle avait compris que l’Indo-européen du 21° siècle serait celui qui réaliserait l’Unité de l’Europe de BREST à VLADIVOSTOK de façon à casser les folies racistes des USA avec ses sionistes. C’est à dire que l’Indo européen doit et devrait réaliser une fusion-symbiose entre l’Orthodoxie gréco-russe et la Chrétienté occidentale latine (Thomas d’Aquin un autre aristocrate). C’est à dire retour aux fondements de la Chrétienté avant tous le schismes.
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de Gaulle considérerait comme une CRIME d’ETAT le stationnement de bases US en Europe, comme les 700 – N bases US dans le Monde. De Gaulle considérait comme un Crime d’Etat de voir des députés de l’Assemblée en relation avec le Mossad, comme avec la CIA. De Gaulle considérait comme un Crime d’Etat, de voir les élèves de SCPO-ENA adoubés par les USA! Pour les derniers chefs d’Etat, de Gaulle mettraient en place des Tribunaux spéciaux ; je pense aux deux derniers Présidents et leurs Ministres – tueurs!
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Merci M de Diéguez!
Louve Bleue
Louve Bleue
23 novembre 2017 14 h 53 min
Il se retourne 10 fois par jour dans sa tombe…
Byblos
Byblos
23 novembre 2017 15 h 53 min
Répondre à  Louve Bleue
Tout à fait! D’ailleurs, ceux qui font un pèlerinage à Colombey peuvent entendre ce murmure dans les arbres : «Français. Vous avez pris de l’âge. Vous n’êtes plus des veaux. Vous êtes des boeufs car on vous a émasculés».
Cap 360
Cap 360
25 novembre 2017 13 h 38 min
Répondre à  Byblos
Et des boucs…émissaires !
Byblos
Byblos
23 novembre 2017 16 h 09 min
Pas des aristos, Thomas MORE. Pas des aristos! Ce terme méprisant et chargé de haine et de détestation désignait plutôt ces courtisans improductifs et parasitaires qui se pavanaient à Versailles.
Des HOBEREAUX plutôt. Cette petite noblesse attachée à sa terre, souvent très proche des paysans dont elle partageait la vie difficile.
Tittytainment
Tittytainment
23 novembre 2017 19 h 40 min
On s’en fiche de l’avis fictif de ce mec qui a capitulé en 1962 1968 et qui s’est terré en Angleterre au début du conflit
stephane louveau
stephane louveau
23 novembre 2017 21 h 39 min
on s’en fou !! on est tous des humains …qu’on soit téléguidés par un ou par l’autre !? on est des “non libre” et on le mérite !!
pour le moment …
les ricains comme les chinois,russes et toutes civilisations étant gouvernés par des puissants qui sont tous arrivés à cette place pour nous asservir ….
cela ne nous aidera pas de nous haïr entre esclave !!!!
mais la prise de conscience a commencé ! sans haine entre nous tous n’est que la seule solution viable pour évoluer.
on a perdus des centaines d’années a nous haïr entre dominés !!!!
internet est la ! mais les anciennes haines aussi …
si vous broyer qu’un ricain ou russe,ou autres est mauvais parce que ses dirigeants sont mauvais !!?
on est dans la merde “et tous”
draculus
draculus
24 novembre 2017 9 h 10 min
Non. Tout le monde aime bien le démarrage des articles de M de Diéguez. Après, il y a une partie pleine de renseignements utiles, sur l’histoire littéraire et autres choses que seuls les vieux profs très chevronnés connaissent. Et pour finir, chaque fois, splash, notre philosophe, flatté d’avance qu’on le publie, qu’on l’applaudisse et qu’on le commente, éprouve le besoin de dire : l’homme , à condition qu’il accepte d’être inséminé avec mon génie, est plus grand que dieu, qui n’est qu’un mythe, que je m’évertue à dissiper au nom de ma raison souveraine. Désolé, mais il a signé ses aveux, cette fois-ci encore, et sous la seule contrainte de sa vanité condescendante! Maître corbeau, tenant en son bec un fromage… n’a pas vu venir les parques, qui tiennent gentiment suspendu le fil de sa vie, et qui vont bientôt claquer du ciseau sans prévenir, sur un simple caprice de ce Dieu qui selon lui n’existe que dans la tête de ses benêts de contemporains, passés, présents et futurs. “Dommage”, c’est sans doute le dernier mot de Celui qui a et qui aura toujours le dernier mot…
Charles Stone
Charles Stone
25 novembre 2017 13 h 27 min
Il airait dis aux français : ” Je ne vous comprends plus! “