Nord Stream 2 n’est plus nécessaire – et l’Ukraine non plus : les conséquences paradoxales de la discussion Biden-Poutine

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par Vassily Tiomny.

L’Occident discute des implications de la conversation entre les présidents russe et américain Vladimir Poutine et Joe Biden. Les clameurs de la presse occidentale sur une prétendue « invasion russe » de l’Ukraine et les menaces de bloquer Nord Stream 2 ne sont en fait rien d’autre que du brassage de vent. Car il s’avère que Moscou n’est plus très intéressée par l’Ukraine.

La discussion entre les présidents russe et américain, Vladimir Poutine et Joe Biden, a été productive et a porté sur des questions de politique internationale tellement importantes que la question du Nord Stream 2 n’a jamais été abordée.

C’est du moins ce qu’a déclaré Iouri Ouchakov, un conseiller du chef d’État russe, à propos des discussions. Naturellement, il n’est pas obligé de révéler tous les détails de la conversation.

Il est toutefois intéressant de noter qu’immédiatement après la discussion en ligne des présidents des deux superpuissances, il a été rapporté que le Congrès américain a supprimé les sanctions contre la Russie et Nord Stream 2 du budget de la défense.

C’est la position commune des chambres haute et basse du Parlement américain. Il est clair que la décision n’a pas pu être prise après la discussion entre les présidents russe et américain, elle avait été préparée à l’avance.

Cependant, elle a manifestement été retenue jusqu’après les négociations. Cela montre que l’administration Biden a compris l’instabilité de sa position de négociation et a essayé d’augmenter la pression sur le Kremlin – en disant qu’elle pourrait imposer des sanctions si nécessaire.

Cependant, en fait, au lieu de sanctions réelles, les membres du Congrès et les sénateurs ont inclus une « condamnation » plutôt édentée des « activités préjudiciables » de la Russie dans le texte du projet de budget de la défense.

Il s’agit de « tout effort visant à utiliser les approvisionnements en gaz comme une arme pour faire avancer son agenda géopolitique et influencer négativement les alliés et partenaires européens ».

Cela ressemble beaucoup à une tentative de « sauver la face », de « jouer gentiment avec un mauvais jeu ». Washington a utilisé une « manœuvre détournée » pour éviter cette impression auprès de l’électorat américain, qui considère de plus en plus Biden comme une mauviette – surtout en comparaison avec Poutine.

Nord Stream 2 comme levier anti-russe

Selon la presse américaine, la Maison Blanche a décidé de rivaliser avec Poutine au « judo géopolitique ». Une tentative d’utiliser l’ambitieux projet Nord Stream 2 contre Moscou suscite justement de telles associations.

Victoria Nuland, célèbre animatrice du Maïdan, aujourd’hui sous-secrétaire d’État américaine à la politique, a été la première à prendre la parole.

« Je pense que si le président Poutine envahit l’Ukraine, nous nous attendons à ce que le gazoduc (Nord Stream 2) soit fermé », a déclaré Mme Nuland lors d’une audition du Sénat américain.

L’assistant du président américain pour la sécurité nationale, Jake Sullivan, a rapidement pris le relais.

« L’Occident peut l’utiliser pour faire pression : si Vladimir Poutine veut que le gaz soit livré par ce gazoduc, alors peut-être ne devrait-il pas prendre le risque d’envahir l’Ukraine », a-t-il déclaré lors d’un point de presse à Washington.

Le Financial Times américain, citant une source diplomatique, a rapporté que l’Allemagne a également presque accepté d’arrêter Nord Stream 2 en cas « d’invasion de l’Ukraine ».

« Finalement, un consensus pourrait être atteint pour dire que si une invasion de l’Ukraine se produit, Nord Stream 2 deviendra inacceptable », a déclaré le journal citant un diplomate anonyme.

Ce qu’est cette « invasion », les politiciens et les médias américains semblent être les seuls à le savoir. Ces spéculations massives sur le thème de l’intervention russe ressemblent en fait aux préparatifs d’une provocation dans le Donbass.

Qui a besoin d’une guerre en Ukraine

De toute évidence, une escalade des hostilités dans le Donbass impliquant des troupes russes sera bénéfique pour les États-Unis, car elle fournira, selon eux, une raison impérieuse pour que les Européens abandonnent Nord Stream 2. Le régime ukrainien actuel profitera également de l’escalade.

Le président Volodymyr Zelensky ne ressemble plus à un acteur peu sûr de lui à la tête de l’État, mais à un véritable fonctionnaire ukrainien. Cependant, dans le même temps, il a perdu le soutien d’au moins deux tiers de son électorat.

Sa cote de popularité a dégringolé de 75% au second tour de l’élection de 2019 à 25%. Elle doit augmenter si Zelensky veut toujours briguer un second mandat, et il n’y a rien de mieux pour lui qu’une petite guerre victorieuse.

Les déclarations fracassantes telles que la déclaration de guerre contre l’oligarque Rinat Akhmetov ou l’introduction d’un « passeport économique ukrainien » ne fonctionnent pas : il est clair que la première relève de la catégorie « miel contre les abeilles », et la seconde est si farfelue que de nombreux électeurs ne la verront tout simplement pas advenir.

Toutefois, une attaque à grande échelle contre les positions de la RPD et de la RPL et, à tout le moins, l’établissement du contrôle de Kiev sur la frontière d’État avec la Russie, et idéalement la capture de Donetsk et de Lougansk pourraient apporter de véritables résultats.

Toutefois, pour ce faire, la Russie doit d’abord être « retirée » du processus. Tous les experts et politiciens, même à l’Ouest, admettent que l’armée ukrainienne est incapable de remporter une victoire, même locale, sur la Russie.

Washington tente de faire comprendre que la menace de débrancher Nord Stream 2 rendrait trop coûteux pour la Russie de forcer l’Ukraine à la paix – en témoignent les phrases constamment utilisées par les politiciens américains telles que « Moscou paiera un prix inacceptable ».

Cependant, il est déjà clair pour quiconque sait faire des calculs : même si l’on met de côté les conséquences politiques catastrophiques de l’abandon du Donbass, les dommages causés par l’élimination de Nord Stream-2 seront négligeables pour Gazprom – le projet étant entièrement amorti avant même son lancement.

Qui a besoin de Nord Stream 2

Dans le cas du sensationnel gazoduc, qui est devenu la plus puissante défaite géopolitique des États-Unis avec l’Afghanistan, l’essentiel est de comprendre qu’il ne s’agit pas d’un projet russe, comme le crient ses opposants, mais d’un projet européen.

En fait, la Russie n’en est que l’exécutant, bien qu’elle ait assumé les risques liés à la propriété du pipeline. Le projet est avant tout nécessaire pour les Européens qui veulent se doter de ressources énergétiques bon marché.

Gazprom a précédemment noté que la construction de Nord Stream 2 a coûté 9,5 milliards de dollars, la moitié de cette somme ayant été payée par les investisseurs européens du projet. Ainsi, la société russe a dépensé moins de 5 milliards de dollars de son propre argent pour le pipeline.

Mais les bénéfices excédentaires de Gazprom en 2021 font plus que compenser ces coûts. Le coût annuel moyen des exportations de gaz vers les Européens cette année sera d’environ 550 dollars les 1000 mètres cubes.

C’est plus de trois fois plus qu’en 2020, où ce chiffre était à 143 dollars par millier de mètres cubes, et plus de deux fois plus qu’en 2019 et 2018, où les prix étaient respectivement de 221 et 224 dollars.

Les volumes de vente de gaz russe, quant à eux, sont restés à peu près les mêmes. Cela signifie que les bénéfices des ventes de gaz de Gazprom, qui étaient de 41,63 milliards de dollars en 2019, vont au moins doubler en 2021.

Il s’agit de 40 milliards de dollars supplémentaires ou plus, obtenus sans aucune augmentation des coûts de production du gaz. Si l’on se souvient que la frénésie du marché gazier de l’UE a été provoquée en grande partie par l’obstruction de Nord Stream 2 par les États-Unis, on peut affirmer que le projet a été rentabilisé au moins quatre fois rien que cette année.

Moscou a montré qu’elle pouvait se passer du NS2, mais aussi du système de transport de gaz ukrainien, en réduisant presque à zéro le pompage à travers celui-ci.

Le Donbass ne doit donc pas s’inquiéter : la Russie n’aura pas à payer un « prix inacceptable », l’Europe a déjà tout payé.

Et si, à Dieu ne plaise, les troupes russes doivent s’immiscer dans le conflit ukrainien afin de protéger la population russophone du Donbass, même une annulation complète de Nord Stream 2 ne sera pas une perte substantielle pour Moscou.

source : https://ukraina.ru
traduit par Christelle Néant pour Donbass Insider
via https://www.donbass-insider.com

28 Commentaires
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Pierre Davoust
Pierre Davoust
9 décembre 2021 9 h 44 min
Great again ou encore plus péteux ?
octron-bis
octron-bis
9 décembre 2021 10 h 22 min
Excellent. À ce train là, “plus c… qu’un européen” va rapidement devenir un mème mondiale !
C’est marrant de voir à quel point des médias bien organisés peuvent transformer ceux qui s’imaginent encore comme le phare du monde en un simple troupeau de 400 millions d’abrutis bêlant, bientôt transis de froid et demain de peur.
On comprend alors pourquoi il leur faut absolument une dictature.
luc
luc
9 décembre 2021 19 h 55 min
Répondre à  octron-bis
« plus c… qu’un européen »

laisse-moi deviner : tu es européen? 🙂

“C’est marrant de voir à quel point des médias bien organisés peuvent transformer ceux qui s’imaginent encore comme le phare du monde en un simple troupeau de 400 millions d’abrutis bêlant”

n’oublions pas
-“l’éducation” obligatoire
-l’industrie du “divertissement”,
-l’empoisonnement par la :nourriture” et les “médicaments”… et les ondes telephone wifi partout autour des gens

la population mondiale est affaiblie et hypnotisée, les différences régionales sont stratégiques, en particulier l’auto-destruction de la classe moyenne occidentale (eu + usa) est déjà très avancée

croix morand
croix morand
9 décembre 2021 22 h 31 min
Répondre à  octron-bis
question, qui est le leader de l’Europe aujourd’hui?
Raoul
Raoul
9 décembre 2021 10 h 38 min
Je m’étais trompé en prévoyant que le North Stream 2 ne verrait pas le jour. L’obstination de Merkel, qui sait que l’Allemagne a besoin du gaz russe, a triomphé des manœuvres des États-Unis.

Mais, finalement, j’avais peut-être raison car le North Stream 2 n’est toujours pas opérationnel et ne le sera peut-être jamais. Le nouveau gouvernement allemand se soucie apparemment bien peu des intérêts vitaux de son pays et joue le jeu des États-Unis.

Les États-Unis voudraient utiliser le North Stream 2 comme instrument de chantage contre la Russie. Mais la Russie a plusieurs cordes à son arc et sait qu’elle trouvera toujours preneur pour son gaz. Si les européens n’en veulent pas, la Chine l’achètera (et l’achète d’ailleurs déjà massivement).

Dans cette affaire, les européens passent pour les dindons de la farce ou plutôt pour des cocus contents de l’être. On n’en attendait pas moins d’eux 🙂.

Last edited 2 années il y a by Raoul
Marc Lemoine
Marc Lemoine
9 décembre 2021 10 h 40 min
Si on ferme le NS2, les européens vont se geler les coui……..
Rigante
Rigante
9 décembre 2021 20 h 41 min
Répondre à  Marc Lemoine
ça ne risque pas, ils n’en ont pas
weilan
weilan
9 décembre 2021 22 h 31 min
Répondre à  Rigante
Ils en auront encore moins après leur 4ème dose de poison.
Ludovick
Ludovick
9 décembre 2021 10 h 40 min
Il est évident que ce projet Nord streams 2 était de créer des conditions sure en approvisionnement en gaz aux Européens, afin de contourner l’Ukraine, car la Russie savait que ce pays allait bientôt vivre un autre effondrement de son système imposé par le maidan. Ca gazoduc qui au final a coûté plus de 10 milliard, quand la Russie bradait son gaz à l’Ue 200€/1000m3, s’achève au final avec le prix record + de 1000€/1000m3.En conclusion la Russie qui s’est déjà rembourser plusieurs Nord streams 2, pourrait envoyé à la place du gaz de l’eau gelée aux Européens
Grandloup74
Grandloup74
9 décembre 2021 11 h 23 min
La germanie qui a stoppé les centrales nucléaires et prévoit de stopper le charbon en 2030, se chauffera donc au bois ? Mais où vont ils acheter leur bois ? 😂
Henri-Pierre Mathieu
Henri-Pierre Mathieu
9 décembre 2021 17 h 16 min
Répondre à  Grandloup74
Ils ont beaucoup de tourbe: ça brûle bien.
Paulo
Paulo
9 décembre 2021 18 h 09 min
Répondre à  Henri-Pierre Mathieu
La tourbe c’est un peu l’équivalent du charbon en terme de CO2 , donc échec et mat .
chb
chb
10 décembre 2021 1 h 05 min
Répondre à  Paulo
En plus polluant.
I'm Mobil Hysthme
I'm Mobil Hysthme
9 décembre 2021 17 h 56 min
Répondre à  Grandloup74
Et le coucou qui se chauffe chez les autres, oukilest hein ? 😁
BOO
BOO
9 décembre 2021 23 h 26 min
Répondre à  Grandloup74
Avec ce nouveau chancelier qui arrive, valet des mangeurs de chewing gum, nous allons voir venir les pires marchés intérieurs à l’UE, à défaut de nord stream 2. Je vois déjà venir les demandes d’importation de bois français en Allemagne qui seront signées avec gourmandise par Macron réélu ou son successeur. Vue la connerie abyssale de l’UE sous Biden, ne nous étonnons plus de rien !
Felix
Felix
10 décembre 2021 9 h 47 min
Répondre à  Grandloup74
Ils comptent sur la depopulation .
ainsi il ne restera que la caste supérieures a chauffer…tres peu de personne
le peu d’industries européennes qu’il restait auront defitivement ete delocalise en Asie .
sidos
sidos
9 décembre 2021 11 h 26 min
Les volumes de vente de gaz russe, quant à eux, sont restés à peu près les mêmes. Cela signifie que les bénéfices des ventes de gaz de Gazprom, qui étaient de 41,63 milliards de dollars en 2019, vont au moins doubler en 2021.
Il s’agit de 40 milliards de dollars supplémentaires ou plus, obtenus sans aucune augmentation des coûts de production du gaz. Si l’on se souvient que la frénésie du marché gazier de l’UE a été provoquée en grande partie par l’obstruction de Nord Stream 2 par les États-Unis, on peut affirmer que le projet a été rentabilisé au moins quatre fois rien que cette année. ouh! ouh!
Le vieux sénile de la maison blanche a du interrompre la visio conférence
pour changer ses couches et la vielle rengaine des sanctions ne marche pas
a croire que les Russes sont manchots et ne peuvent répondre aux
menaces de sank$ions n’oublions pas qu’ ils ont inventé Hollywood !!
peu importe
peu importe
9 décembre 2021 14 h 06 min
monde nouveau, maintenant la Guerre c’est l’Art de ne pas “trop” perdre. Oui c’est un nouveau monde qui s’en vient!
Olivier DANOFFRE
Olivier DANOFFRE
9 décembre 2021 14 h 48 min
Cela fait longtemps que la classe politique européenne à abdiqué toute prétention à la souveraineté et à la défense des intérêts de ses peuples. Ce n’est plus qu’une clique d’apparatchiks corrompus et déconnectés du réel, à la remorque des lobby et de lubies délirantes. L’affaire du COVID le montre suffisamment ! N’importe qui d’à peu prés censé éviterait d’éliminer systématiquement toutes les sources d’énergie de son pays : pas de nucléaire, pas de gaz, pas de charbon, pas de pétrole. Juste des moulinettes subventionnées qui tournent 20% du temps.
I'm Mobil Hysthme
I'm Mobil Hysthme
9 décembre 2021 18 h 01 min
Répondre à  Olivier DANOFFRE
Lourde erreur d’abdiquer
Labradar
Labradar
9 décembre 2021 15 h 39 min
Sur le gaz et le tube N°2, j’ai entendu d’autres chiffres, mais ils reviennent au même: en vendant en 2021 du gaz au prix du marché au lieu de le vendre sur contrat à long terme par le tube, Gazprom a déjà récolté plus que son investissement dans le tube. L’Europe mène une politique complètement débile, aux frais des consommateurs. Une politique de gamins capricieux.
Tdk
Tdk
9 décembre 2021 16 h 16 min
Union des crétins et des couillons qui veut donner des leçons de gouvernance au monde entier.
Henri-Pierre Mathieu
Henri-Pierre Mathieu
9 décembre 2021 17 h 14 min
Well you know…
Si la Russie envahissait l’uKraine, on peut imaginer qu’elle n’aurait plus besoin de NordStream2 car elle prendrait les commandes des différents gazoducs qui livrent le gaz russe à l’Europe de l’ouest à travers l’uKraine.
Ceci n’est envisagé par personne sauf les médias US en mal de gros titres.
croix morand
croix morand
9 décembre 2021 22 h 36 min
Répondre à  Henri-Pierre Mathieu
la Russie n’envahira jamais ce trou noir. Par contre elle pourrait redevenir une alliée si tout ou partie de l’ukraine le voulait bien. Comme état en train de couler, L’ukraine est bien mieux dans les bras des européens…
croix morand
croix morand
9 décembre 2021 22 h 30 min
les européens sont pathétiquement débiles. Ils créent les conditions pour doubler encore les profits de gazprom tout en tuant leur industrie et leur population. Gazprom peut reporter ses ventes vers la Chine.
chb
chb
10 décembre 2021 1 h 07 min
Répondre à  croix morand
Ouais. Je suis français, donc européen, donc débile, et je vais me les geler sous peu.
croix morand
croix morand
10 décembre 2021 1 h 15 min
Répondre à  chb
et Macron a l’ambition d’industrialiser l’Europe! Je ne vois pourtant pas ce qu’il peut encore voler à la France pour l’installer en Pologne ou en Espagne! Une belle vague de froid, c’est ce qui manque aux européens.
Felix
Felix
10 décembre 2021 9 h 49 min
Répondre à  croix morand
Pipo electoral..rien de plus