L’Europe d’une guerre à l’autre (XVIII– 3) – Comment la Grande-Bretagne a aidé l’Union Soviétique à combattre Hitler

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Par Nikolay STARIKOV – ORIENTAL REVIEW 

 Partie I

Partie II

Le 28 juillet 1942, Staline publia son fameux ordre no. 227: “Pas un pas en arrière!” Et ce n’était pas parce qu’il avait oublié de le faire en 1941, mais parce que la situation sur les premières lignes de la guerre était devenue beaucoup plus dangereuse et la perspective d’une défaite militaire soviétique beaucoup plus possible qu’au début de la guerre. C’est pourquoi, le 19 octobre 1942, Staline écrivit à l’ambassadeur soviétique en Angleterre, Ivan Maisky:

Nous avons tous, à Moscou, l’impression que Churchill vise à la défaite de l’URSS, pour ensuite se réconcilier avec l’Allemagne d’Hitler ou de Brüning aux dépens de notre pays. Sinon, il est difficile d’expliquer le comportement de Churchill, que ce soit en ce qui concerne le deuxième front en Europe ou les livraisons d’armes à l’URSS, qui continuent à diminuer.

La tragédie du PQ 17 s’est produite au début de juillet 1942 et le télégramme de Staline a été envoyé à la mi-octobre. Dans l’intervalle Churchill avait envoyé des lettres d’explication, les Britanniques avaient tenté de réduire les convois, et Churchill avait fait une visite à Moscou du 12 au 14 août. En conséquence, Staline était convaincu, comme il l’a exprimé dans son télégramme à Maisky, que Churchill conspirait avec Hitler.

Churchill et Staline au Kremlin, août 1942
Churchill et Staline au Kremlin, août 1942

Vous pouvez juger vous-même de la faiblesse des “explications” de Sir Winston au sujet de la tragédie du PQ 17 en lisant la correspondance des deux dirigeants dans son intégralité, nous allons donc vous en donner les faits saillants ici. La lettre complète du Premier ministre britannique à Staline le 18 juillet 1942 peut être réduite en une phrase: nous ne pouvons pas combattre les Allemands, car cela nous coûterait très cher. Et par conséquent, écrit Sir Winston, nous n’avons pas d’autre choix que de mettre fin aux convois pour l’URSS. La lettre de réponse de Staline, le 23 juillet 1942, éclaire ce qui se passait à l’époque:

J’ai reçu votre message du 18 juillet. Je crois comprendre que le gouvernement britannique refuse d’approvisionner l’Union Soviétique en matériel de guerre par la route du nord et que, malgré le communiqué anglo-soviétique sur l’adoption de mesures urgentes pour ouvrir un deuxième front en 1942, le gouvernement britannique reporte l’opération jusqu’en 1943. 

Selon nos experts navals, les arguments des experts navals britanniques sur la nécessité d’arrêter la livraison de fournitures de guerre aux ports nord de l’URSS sont intenables. Ils sont convaincus que, compte tenu de la bonne volonté et de la volonté d’honorer leurs obligations, des livraisons régulières pourraient être effectuées, avec de lourdes pertes pour les Allemands. L’ordre donné par l’Amirauté britannique au convoi du PQ 17 d’abandonner les navires de ravitaillement et de retourner en Grande-Bretagne, et aux navires de ravitaillement de se disperser et de continuer seuls, sans escorte, est, aux yeux de nos experts, déroutant et inexplicable. Bien sûr, je ne pense pas que des livraisons régulières dans les ports du nord de l’Union Soviétique soient possibles sans risque ni perte. Mais alors aucune tâche majeure ne peut être effectuée en temps de guerre sans risque ni perte. Vous savez, bien sûr, que l’Union Soviétique subit des pertes beaucoup plus importantes. Quoi qu’il en soit, je n’aurais jamais imaginé que le gouvernement britannique nous refuserait la livraison de matériel de guerre précisément maintenant, alors que l’Union Soviétique en a grandement besoin en raison de la situation grave sur le front germano-soviétique. Il devrait être évident que les livraisons via les ports persans ne peuvent en aucun cas compenser les pertes en cas d’interruption des livraisons via la route du nord. 

Quant au second point, à savoir celui de l’ouverture d’un second front en Europe, je crains que la situation ne prenne une mauvaise tournure. Compte tenu de la situation sur le front soviéto-allemand, j’affirme avec la plus grande insistance que le gouvernement soviétique ne peut tolérer que le deuxième front en Europe soit reporté à 1943.  J’espère que vous ne le prendrez pas mal si j’ai jugé bon de vous donner mon opinion franche et honnête et celle de mes collègues sur les points soulevés dans votre message.

Lors des entretiens à Moscou: Churchill, l’ambassadeur britannique Harriman, Staline, le ministre des Affaires étrangères Molotov
Lors des entretiens à Moscou: Churchill, l’ambassadeur britannique Harriman, Staline, le ministre des Affaires étrangères Molotov

Au cours de la visite de Churchill à Moscou quelques jours plus tard, Staline lui disait très clairement: « Les Allemands n’ont pas une grande flotte, et il faut la détruire, plutôt que de disperser les convois Staline savait à qui il avait affaire. Il savait qui avait hissé Hitler au pouvoir et en connaissait les raisons. Il comprenait que le but ultime de l’Angleterre était de faire durer la guerre soviéto-allemande aussi longtemps que possible. C’est pourquoi il se montra tellement offensé par l’excuse de ces «facteurs circonstanciels» au point que ses «alliés» furent contraints d’envoyer le convoi du PQ 18 en URSS au début de septembre 1942. Fait intéressant, les escortes militaires accompagnant le convoi du PQ 18 reçurent également l’ordre de se concentrer sur leur propre protection plutôt que sur celle des navires de ravitaillement. ( Paul Lund,PQ 17: Convoy to Hell ). Mais cette fois cet ordre fut ignoré, et les marins britanniques réussirent à sauvegarder les transports. Le fait que le PQ 17 aurait pu être protégé est également évident du fait que malgré une bataille féroce dans la mer de Barents au nord de North Cape, 28 des 41 navires du PQ 18 sont arrivés en sécurité dans le port soviétique, causant des pertes considérables à la Luftwaffe (environ 40 avions pilotés par les meilleurs As allemands ont été touchés par l’escorte pendant le voyage).

L’histoire du PQ 17 n’est qu’un petit fragment de la mosaïque des jeux élaborés que l’establishment britannique a utilisé pendant la Seconde Guerre Mondiale pour atteindre ses objectifs insaisissables. À cette fin, ils ont sacrifié leurs propres citoyens et soldats. Par exemple, dans le cadre de la campagne de désinformation de l’opération Fortitude dans la première moitié de 1944, les services de renseignements britanniques avaient envoyé des agents dans divers pays de l’Europe occupée, et ces agents “connaissaient”, d’une manière ou d’une autre, le lieu et l’heure du débarquement allié en Europe. Selon les informations fournies, ce débarquement devait avoir lieu dans le Pas-de-Calais. Les planificateurs de l’opération avaient également veillé à ce que ces agents tombent entre les mains de la Gestapo et que les capsules de poison qui leur avaient été données en cas d’arrestation se révèlent inefficaces. Mais la preuve de ces tentatives de suicide rendait plus fiables les informations obtenues par la Gestapo en torturant les agents capturés. En conséquence, les Allemands crédules attendaient le débarquement allié au mauvais endroit. De plus, après que les troupes alliées aient pris d’assaut les plages de Normandie, Hitler, qui attendait toujours un débarquement dans le Pas-de-Calais, n’a pas pu déplacer au sud plusieurs divisions de chars qui auraient pu repousser cette invasion.

Et qu’en est-il de ces malheureux agents? Certains d’entre eux ont survécu à la guerre et, se rendant compte de ce qui leur était arrivé, ont exigé une enquête. Mais, comme les journaux des câbles radio du convoi arctique, les archives du Special Operations Executive avaient été détruites juste à temps. En réponse aux tentatives de découvrir ce qui s’était réellement passé, le gouvernement britannique montra une expression de dignité offensée. Ils prétendirent qu’un tel plan d’action aurait été indigne d’eux et sont outrés par sa suggestion même.

Aucun document n’existe. Cela veut dire que ça n’est jamais arrivé …

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Traduit du Russe par ORIENTAL REVIEW

Source : https://orientalreview.org/2017/10/25/episode-18-how-britain-assisted-the-soviet-unions-fight-against-hitler-iii/

Traduction : AvicRéseau International

Photo: Stalingrad, 1942

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L’Europe d’une guerre à l’autre.

Dossier complet en PDF

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I – L’infrastructure financière mondiale: La Banque d’Angleterre

II – L’infrastructure financière mondiale: La Réserve Fédérale Américaine

III – L’assassinat de Sarajevo

IV– Qui a déclenché la Première Guerre Mondiale ?

V – Qui a financé la Seconde Guerre Mondiale ?

VI – Léon Trotsky, père du nazisme allemand

VII – La Grande-Bretagne et la France avaient prévu d’attaquer l’Union Soviétique en 1940

VIII – L’étrange Grande Guerre

IX – Comment les Britanniques ont « libéré » la Grèce

X -Qui a organisé la Famine de 1932-1933 en URSS ?

XI – Un quart de siècle soviétique (1930-1955)

XII – Pourquoi la Grande-Bretagne et les États-Unis n’avaient-ils aucune envie d’empêcher la Seconde Guerre Mondiale?

XIII  – Pourquoi Londres a-t-il donné Vienne et Prague à Hitler ?

XIV – Comment Adolf Hitler est devenu un « agresseur provocateur »

XV – La Pologne trahie

XVI– Qui a signé la condamnation à mort de la France en 1940 ?

XVII– Grande-Bretagne – l’amant maudit d’Adolf Hitler

XVIII– Comment la Grande-Bretagne a aidé l’Union Soviétique à combattre Hitler

XIX – Comment Churchill a perdu et récupéré sa victoire dans la Seconde Guerre Mondiale

XX – Qui a posé le mur de Berlin?

 

7 Commentaires
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Thémistoclès
Thémistoclès
7 janvier 2018 11 h 47 min
Thémistoclès
Thémistoclès
7 janvier 2018 11 h 49 min
Répondre à  Thémistoclès
Erratum : lire Nicolaï STARIKOV
vanda
vanda
7 janvier 2018 15 h 06 min
L’Union Soviétique parvint pratiquement à elle seule à contenir l’essentiel de l’armée allemande sur le front de l’est alors même que la Russie n’avait pu faire de même face à une partie beaucoup plus réduite de cette même armée .Et non seulement elle la contint mais la repoussa jusqu’en Allemagne et c’est cette avancée de l’armée rouge qui obligea les alliés occidentaux à débarquer sur le sol français .
Cela en dit long sur les progrès industriels de l’URSS et de l’élan patriotique qui y régnait au regard des mêmes éléments de la Russie tsariste . Mais cela en dit surtout long sur la philosophie qui régnait dans les sphères politiques occidentales .
La victoire de Stalingrad a dû en faire C….plus d’un !
Drago
Drago
8 janvier 2018 17 h 28 min
Répondre à  vanda
“les progrès industriels de l’URSS” ?
Il y a 20 millions de russes morts pour 5 millions d’Allemands.
(Sans parler de la Purge qui exécuta des milliers d’officiers au seuil même de la guerre et une armée commandée par… des commissaires politiques.)
Cap 360
Cap 360
7 janvier 2018 15 h 26 min
En passant.

comment image

Drago
Drago
8 janvier 2018 17 h 21 min
Les effectifs du Débarquement comprennent 150.000 hommes et presque 7000 navires.
Calais se trouve seulement à 40 km des côtes britanniques.
Inutile de dire le bouchon digne des pires départs en vacances.
Le Débarquement était donc impossible à Calais.
Un autre endroit s’imposait alors pour ne pas créer cet engorgement… mais pas trop loin non plus.
Une zone après Le Havre s’imposait alors par évidence, à 180 km des côtes britanniques, pour laisser à tout ce monde la place de débarquer simultanément… et non de faire la queue.