Le coup de maître de l’axe de la résistance à la conférence de Genève 2

La conférence de Genève 2 s’est terminée sur un échec, selon les divers analyses et commentaires parus dans les médias. Le constat d’échec semble d’autant plus évident qu’aussitôt la conférence terminée, les principaux acteurs occidentaux se précipitaient pour l’annoncer dans des déclarations dépitées accusant la délégation syrienne d’en être la cause. A les entendre, il y a eu échec à la recherche de la paix en Syrie.

Ce serait vrai si les protagonistes étaient vraiment venus pour chercher la paix, ce qui n’était pas le cas. Les coalisés anti-syriens étaient venus chercher une capitulation de la Syrie, une reddition sans conditions soulignée dès le départ par un comportement de vainqueur. Ils étaient là pour obtenir ce qu’ils n’avaient pas pu obtenir par les armes depuis trois ans. Il était évident qu’ils étaient encore en état de guerre et que seuls le champ de bataille et les armes avaient changé.

Dans toute négociation, chaque protagoniste arrive avec ses objectifs et sa stratégie minutieusement cachés derrière des discours de diversion, des mises en scène, et des cartes dissimulées dans les manches que l’on sort au fur et à mesure du déroulement des pourparlers.  L’Occident, dans sa stratégie de jouer au vainqueur, a abattu ses premières cartes dès la veille du début de la conférence, étalant sa puissance et montrant qu’il est toujours le maître partout. Maître de l’ONU d’abord, en obligeant cette dernière à annuler, à la dernière minute, la participation de l’Iran. Maître des lieux et presque du monde ensuite, en montrant qu’il gère pratiquement tout ce qui bouge. Pour ce faire, un petit scénario a été nécessaire. Première étape, interdiction à la délégation syrienne d’atterrir à l’aéroport de Genève par l’intermédiaire de l’instrument  France. Deuxième étape, blocage de leur avion dans à l’aéroport d’Athènes, Cette démonstration de puissance avait pour but non seulement d’intimider les syriens, mais surtout montrer qui était le vrai maître du jeu.

Ensuite, s’en est suivie toute une série de tracasseries pendant la séance d’ouverture ayant pour objectif d’humilier la partie syrienne afin de la ramener à sa place de quémandeur de paix dont l’octroi ne dépendra que de la bonne volonté du vainqueur auto-proclamé.

La délégation syrienne a tout encaissé sans piper. Au contraire, on a même eu l’impression qu’elle jouait le jeu, acceptait cette démonstration de force et qu’elle s’y soumettait. L’Iran avait accepté sans broncher son éviction, la Russie restait étrangement silencieuse. C’était manifestement un encouragement pour l’Occident à aller de l’avant et abattre ses cartes une à une. Et sans attendre, l’autre partie, celle qui est estampillé « opposition syrienne » et porte-parole de l’Occident pour la Syrie, annonça la couleur en dévoilant carrément les raisons de la conférence : ils sont venus pour prendre le pouvoir.

Pouvait-on penser, un seul instant, que l’axe Damas-Téhéran-Moscou ait pu venir à Genève sans une stratégie offensive ? On a vu une certaine passivité, au début, qui pouvait laisser penser que la délégation syrienne essayait surtout de se dépêtrer des situations qui lui étaient créées, qu’elle tentait de contourner les pièges ou de les retourner et, certaines fois, on l’a vue marquer une certaine fermeté là où on attendait qu’elle le fît, mais sans plus.

C’est seulement vers la fin, quand l’Occident a montré tout son jeu que l’Axe Damas-Téhéran-Moscou a commencé à mettre en œuvre le sien. Et là, pas besoin de mise en scène, d’effet de manche ou de constructions laborieuses. Avec un rappel simple devant la communauté internationale de la situation que tout le monde connait, des évènements dont tout le monde connait les dessous, et des prises de position des occidentaux, le ministre des affaires étrangères syrien, Walid Mouallem, s’applique à démontrer l’ineptie de la conférence de Genève 2. Dans son discours, que beaucoup ont vu comme n’étant adressé qu’aux syriens mais qui s’adresse en réalité à la communauté internationale, il montre au monde quelle est la vraie nature de l’ennemi et contre qui se bat la Syrie. En ne se basant que sur les faits connus de tous (et uniquement sur eux car, de l’intérieur, il en sait bien plus), ceux qui ont complaisamment circulé dans tous les médias mondiaux, il rappelle toutes les horreurs, tous les massacres et toutes les exactions déjà ancrés dans nos mémoires. Et, devant la communauté internationale, il assène enfin le but de cette énumération. Il leur dit en substance : voilà la vraie préoccupation de la Syrie. Il ne peut y avoir de paix, ni même de pourparlers de paix, sans l’éradication de ceux qui, sur le terrain, sont responsables de ces horreurs.

En d’autres termes, il leur fait comprendre qu’ils ne sont pas venus parler du futur gouvernement  de la Syrie ni de répartition de pouvoirs, mais bien de chercher à mettre fin à la guerre par l’éradication du terrorisme qui sévit dans son pays, et qu’ils ne parleront de l’après-guerre qu’après l’avoir d’abord arrêtée. Par son discours, il met les « champions de lutte contre le terrorisme » au défi de mettre en adéquation leurs paroles avec leurs actes, et prend la communauté mondiale à témoin. C’est une sorte de « vous êtes avec nous ou contre nous » mais dit d’une manière beaucoup plus habile et plus subtile (qui peut s’en étonner !) que Georges W. Bush.

On comprend dès lors l’amertume de Lakhdar Brahimi qui voyait tous ses efforts voler en éclat. S’il était évident que l’Occident était venu cueillir le pouvoir et non chercher des terrains d’entente en vue de la paix, il s’est avéré que l’axe de la résistance le savait et était venu, d’une part pour pousser l’adversaire à se dévoiler devant les instances internationales et, d’autre part montrer que, n’étant pas dupes, il était donc forcément fin prêt pour la suite des évènements qui, d’ailleurs n’ont pas tardé à se manifester. Pour tout ce beau monde, les plans de Brahimi étaient secondaires, ou tout juste destinés à servir de façade.

Il y a eu, effectivement, échec patent pour les anti-syriens, et ce à plus d’un titre. Non seulement ils n’ont rien obtenu, leur plan étant tombé à l’eau, mais ils ont été insidieusement poussés à se mettre à nu, permettant à leur adversaire de pouvoir justifier et renforcer ses positions. Enfin, c’est peut-être le plus dur à avaler, ils se sont rendu compte qu’ils ont été manœuvrés.

En face, en revanche, la victoire est totale. Sachant à quoi s’en tenir sur cette conférence et que la paix ne se gagnera que sur le terrain, la Syrie, appuyée par ses partenaires et confortée par les victoires de son armée et son allié le Hezbollah, est arrivée dans cette conférence avec des objectifs de mise au point. Désormais le combat de l’armée syrienne et du Hezbollah prend une toute autre dimension. C’est un combat contre le terrorisme et, de ce fait, la Syrie et ses partenaires peuvent être amenés à utiliser toutes les voies que prévoit la législation internationale et toute aide ou soutien de la part de ceux qui veulent s’engager dans ce combat devient légitime et justifié. La Syrie devient un champ de bataille contre le terrorisme avec, d’un côté ceux qui le combattent, et de l’autre ceux qui le soutiennent, voire l’animent.

Dans tous les cas, et c’est ce qui ressort de la conférence de Genève 2, l’axe de la résistance est prête à en découdre et, semble-t-il, avec confiance. La balle est maintenant dans le camp des ennemis de la Syrie. Une chose est sûre, tant que la balle est dans le camp de l’adversaire, c’est lui qui a des problèmes à gérer. Les victoires secrètes et silencieuses sont parfois bien plus parlantes que les pseudo-victoires fêtées en grandes pompes. Comme en septembre 2013 en Méditerranée Orientale ?

Avic