Selim Matar – Genève
Le monde arabe est quotidiennement sous le feu des projecteurs médiatiques à cause de ses violents conflits, mais un phénomène méconnu mériterait davantage l’attention : l’opposition qu’il y a entre l’opinion populaire arabe exprimée dans la vie quotidienne ainsi que sur les réseaux sociaux, et celle qui est répandue dans les médias occidentaux. Cela est particulièrement flagrant dans la situation en Irak et le rôle joué par les Etats-Unis. On constate que le discours populaire en Irak n’a rien à voir avec la doxa des médias occidentaux.
Selon ce discours, l’Amérique serait la première responsable de ce qui se passe en Irak et dans la région, elle tirerait les ficelles de toutes les forces en conflit, y compris les islamistes, afin de garder la région instable et justifier sa présence militaire.
Sur quelles bases se fonde cette opinion ?
Détruire pas construire
Leur discours est d’abord forgé par l’histoire récente :
On sait que les prétextes officiels invoqués par les USA pour envahir l’Irak en 2003 étaient la nécessité de neutraliser les armes de destruction massive que l’Irak était sensée posséder, et également de faire tomber le régime dictatorial de Saddam Hussein, accusé de soutenir Al-Qaïda, afin d’instaurer la démocratie.
Après dix ans d’occupation, ni l’un, ni l’autre de ses objectifs n’a été atteint, pour la bonne raison que :
– Aucune arme de destruction massive n’a été trouvée en Irak, et les américains ont fini par admettre qu’ils avaient menti à ce sujet.
– Ni la démocratie, ni la stabilité n’ont été restaurées, puisque toutes les mesures qu’ils ont prises tendaient à favoriser le contraire : la violence et la division.
Dès lors, les irakiens jugent que c’est une naïveté que de croire en une gentille Amérique bien intentionnée qui aurait mal calculé son projet d’occupation et qui aurait échoué à construire la démocratie. Il n’en est rien ! Toutes ses actions en Irak montrent qu’elle savait exactement ce qu’elle faisait. Avant l’invasion elle avait fait une alliance avec les forces Irakiennes les plus fanatiques et les plus corrompues : des extrémistes chiites appartenant à l’Iran, des extrémistes sunnites appartenant au pays du Golfe, et des extrémistes Kurdes haïssant ouvertement tout ce qui est irakien.
La vérité est que l’Amérique est venue en Irak pour le détruire. Elle l’avait d’abord paralysé durant les années quatre-vingt-dix en imposant un embargo international impitoyable qui a détruit les infrastructures matérielles et sociales et a provoqué l’exode et la mort de millions de personnes, majoritairement des enfants.
Pour les irakiens, la politique des Etats-Unis en Irak et en Syrie est une partie de sa stratégie globale au Moyen-Orient dont les objectifs sont :
– la division et l’affaiblissement de ces deux pays, ainsi que de l’Egypte car, historiquement, ils constituent le centre culturel et politique du Moyen-Orient, et aussi une entrave à la politique américaine dans la région.
– plus généralement, le maintien de tout le Moyen-Orient dans la division, ravagé par les conflits ethniques, religieux et confessionnels : Israéliens-Palestiniens, Kurdes-Arabes, Turcs-Persans, Musulmans-Chrétiens, Chiites-Sunnites, etc…
La division et l’affaiblissement de cette région permettent de la dominer plus facilement, d’accaparer ses richesses et garantissent son maintien dans la zone d’hégémonie américaine, loin de l’axe russo-chinois.
Cette vision, généralement qualifiée de complotiste, rencontre bien entendu son lot de contradicteurs qui considèrent que les irakiens exagèrent le rôle de l’Amérique, y voyant des accusations infondées selon lesquelles les Etats-Unis seraient la seule force à diriger l’Irak, les élites et les partis Irakiens n’étant alors que des exécutants dans ce projet destructeur.
Les irakiens savent bien que les Etats-Unis n’ont pas pu tout planifier, quand bien même ils l’eussent voulu. Mais Ils savent également que les américains exploitent très habilement la corruption, la traîtrise, l’extrémisme et la décadence des élites moyen-orientales, qu’elles soient laïques ou religieuses. Surtout en Syrie et en Irak, où elles sont prêtes à se vendre à tous les démons de la terre pour une poignée de dollars ou pour posséder un malheureux journal, un parti de pacotille, ou une chaîne de télévision.
Un scénario infernal
Les irakiens, qui voient ce qui se passe sur le terrain, ne sont pas du tout sensibles à l’argument selon lequel les Etats-Unis ont subi une défaite et que leur armée a été obligée de quitter l’Irak en 2011. Sous leurs yeux se déroule une autre réalité. Ils voient que, de 2003 à aujourd’hui, le rôle des Etats-Unis est direct et actif. Certes, l’armée américaine a quitté l’Irak, mais leur ambassade à Bagdad, avec ses plusieurs milliers d’employés, est considérée comme la plus grande du monde, plus grande encore que le Vatican et six fois plus vaste que le siège des Nations Unies à New York. Bien plus, elle est non seulement située dans la « zone verte » – le quartier du gouvernement irakien – mais le palais présidentiel de Saddam Hussein est devenu une partie de l’ambassade ! Le message est clair : c’est elle qui, désormais, dirige l’Irak. En outre, elle serait aussi le siège des services secrets américains pour le Moyen-Orient. Son rôle est complémentaire à celui que joue la plus grande base militaire américaine du monde qui se trouve au Qatar. (1)
Cette ambassade pléthorique n’a nullement besoin de l’armée américaine pour remplir sa mission. . Les Etats-Unis avaient déjà créé un terrain propice ; depuis le début de leur intervention, ils ont favorisé le chaos et la destruction en dissolvant l’armée et les forces de sécurité, en menant une guerre dévastatrice contre toutes les institutions de l’Etat sous le prétexte qu’elles étaient inféodées à l’ancien régime. Ils ont imposé la constitution qui a déclenché la guerre civile et instauré la chasse aux Baassistes. Puis ils ont paralysé l’Etat irakien en le divisant en communautés rivales, entre chiites, sunnites et kurdes.
Complicité avec les terroristes
Pour les irakiens, toutes ces choses-là sont des évidences et, bizarrement, leur corollaire semble échapper aux médias occidentaux :
On sait que l’Arabie Saoudite et le Qatar sont les principaux bailleurs de fonds des mouvements islamistes depuis l’époque de Ben Laden.(2) N’oublions pas qu’Al-Qaida avait été créé par la CIA en Afghanistan pour contrer les russes durant la guerre froide. La même stratégie est utilisée avec l’Etat islamique en Irak et en Syrie. Comment se fait-il que le Qatar, siège de la plus grande base américaine au monde, et l’Arabie Saoudite, également un protectorat américain, soutiennent les mouvements islamistes en guerre contre l’Amérique ? (3)
En conclusion, les irakiens souhaiteraient que les occidentaux prennent davantage en considération leur vision et qu’ils nuancent le discours officiel qui décrit l’Amérique comme le gentil sauveur empêché de répandre la paix et la démocratie à cause d’une série « d’erreurs involontaires ».
Selim Matar
Références :
1- Les détails dans Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ambassade_des_%C3%89tats-Unis_en_Irak
2-Sur le soutien du Qatar et de l’Arabie Saoudite au terrorisme islamique :
http://actu-monde.nouvelobs.com/arabie-saoudite-qatar.html
http://www.tunisie-secret.com/Qatar-l-Etat-voyou-qui-finance-le-terrorisme-islamiste_a306.html
http://resume.liberation.fr/role-arabie-saoudite-financement-soutien-terrorisme.html
http://news.tunistribune.com/?q=node/1265
3- Sur les bases américaines au Qatar et en Arabie Saoudite :
http://www1.rfi.fr/actufr/articles/040/article_21630.asp
http://www.qatarinfos.net/2013/12/la-base-americaine-au-qatar-dal-udeid-est-elle-en-sursis/
http://www.melekher.com/detail/les-secrets-de-la-plus-grande-base-des-etats-unis-au-qatar.html/
http://www.globalsecurity.org/military/facility/udeid.htm5
Sur ce je vais vomir
Donc j’ai envie de dire VOMI VOMI