La Chine ne veut pas tomber dans le « Piège de Thucydide » avec l’Inde

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Le Président Xi Jinping veut que la Chine soit une « puissance bienveillante », mais, au Dialogue Raisina de Delhi, les nations « Quad » se sont liguées contre lui.

Les notions d’histoire et de géopolitique qui séparent l’Europe de l’Asie sont empêtrées dans des myriades d’implications culturelles et on peut les faire remonter jusqu’au Roman d’Alexandre.

Cet ensemble d’essais mélangeant la vérité, le drame épique et la mythologie fut composé entre la mort d’Alexandre le Grand en 323 avant J.C. et le IVe siècle de notre ère, et on l’attribue soit à Callisthènes, le neveu d’Aristote, soit au précepteur d’Alexandre lui-même.

En l’espace de dix ans, Alexandre a forgé un empire englobant l’Asie Mineure et ce que l’Occident allait plus tard appeler le Moyen Orient, s’emparant des territoires qui sont aujourd’hui ceux de la Turquie, de la Syrie, d’Israël, de la Palestine, de l’Égypte, du Liban, de la Jordanie, de l’Irak, de l’Iran, d’une tranche du Pakistan et du Nord-Ouest de l’Inde.

Pendant plus de deux millénaires, c’est Alexandre qui a le mieux incarné, en Occident, l’opposition entre ces deux formules altières : Est et Ouest. Les conquêtes d’Alexandre ont aussi aidé l’Inde à pénétrer la disposition d’esprit occidentale en termes de géographie et de civilisation.

Nous avons fini par apprendre que l’Inde était, en fait, proche du monde arabe – sur terre via l’Iran, et sur mer via son contact direct avec le Golfe Persique.

L’échange de marchandises, de traditions et de culture a toujours fait partie intégrante du tableau. Que ce soit par terre ou par mer, l’ancienne Route de la Soie – avant d’atteindre la Chine – a traversé l’Inde.  Rome commerçait déjà avec l’Inde avant d’apprendre qu’il y avait quelque part un Empire du Milieu et vice versa, puisque les Chinois savaient à peine que la Méditerranée existait.

 Plus proche de l’Occident

C’est ainsi que l’Inde a toujours été plus proche de l’esprit occidental que la Chine.

Parallèlement, quand Vasco de Gama atteignit l’Inde du Sud-Ouest en 1498, ces ports faisaient, depuis plus d’un millénaire, du commerce avec la Chine, l’Asie du Sud-Est, le monde arabe et la Méditerranée.

Historiquement, on peut dire que les monarques hindous qui avaient commercé si longtemps avec les marchands arabes, juifs et chinois se sont laissé abuser sur les intentions « pacifiques » des premières incursions européennes, ce qui a fini par amener la domination britannique du sous-continent.

Cet arrière-plan doit être pris en considération quand on veut jeter un coup d’oeil à ce qui vient de se passer au dernier Dialogue international de Raisina [nommé  d’après la colline où il se tient, ndt.]. L’événement était patronné par le Ministère indien des Affaires étrangères et l’Observer Research Foundation, un think tank hindou.

Le thème du Dialogue Raisina était « Gérer les transitions perturbatrices ». Et la « transition perturbatrice » numéro un a été identifiée comme rien de moins que la Nouvelle Route de la Soie chinoise, connue sous le nom de Belt & Road Initiative (« Initiative Route et Ceinture ») ou BRI.

Narendra Modi et son homologue israélien Benjamin Netanyahou au Dialogue Raisina
Narendra Modi et son homologue israélien Benjamin Netanyahou au Dialogue Raisina

Plus de 200 millions d’Hindous sont musulmans, ce qui en fait la troisième plus grande nation musulmane du monde, après l’Indonésie et le Pakistan. Il n’est donc pas surprenant que le parti de droite pro-hindou BJP du Premier ministre Narendra Modi se présente comme le défenseur auto-proclamé d’une civilisation multi-millénaire.

Pourtant, quand on creuse un peu plus profondément, on trouve que le nationalisme hindou moderne – loin de se préoccuper du Mahrabharata – est en réalité né dans les années 1920, tout imprégné des théories de Mazzini, de d’Annunzio, et même d’un certain Benito Mussolini. Malgré tout, il s’agissait surtout de peur de voir l’identité hindoue submergée par l’Islam et la Chrétienté..

Mais maintenant, il s’agit de peur de la Chine.

 Route & Ceinture contre « Quad »

L’OTAN s’est fait entendre à pleine voix au Dialogue Raisina, par celle de l’amiral Harry Harris, chef  du Commandement US dans le Pacifique et récemment nommé ambassadeur en Australie. Selon Harris, « la réalité, c’est que la Chine est une force de transition perturbatrice dans le Pacifique Indien, et le déficit de confiance dans la région est la faute aux Chinois ».

Il est significatif que les chefs de la marine des nations « Quad » – USA, Inde, Japon, Australie – soient tous de cet avis. De même d’ailleurs que le général à la retraite David Petraeus, ex-directeur de la CIA et cerveau organisateur des ruées sur l’Irak et l’Afghanistan.

L’idéologue neocon Zalmay Khalizad, ancient ambassadeur US en Irak et en Afghanistan, était aussi de la rencontre et a dûment confirmé qu’à son avis, en voulant mettre en communication toute l’Eurasie via sa Route & Ceinture, la Chine « changerait l’ordre international ».

Le Dialogue Raisina a illustré pleinement la portée du changement terminologique de Washington, d’« Asie-Pacifique » en « Inde-Pacifique », tout en détaillant bien les prescriptions introduites dans la nouvelle « Stratégie de Défense » du Pentagone.

La Chine – et la Russie avec elle – sont des « puissances révisionnistes » résolues à saper « l’ordre légal international », surtout la Chine, avec son « économie prédatrice » qui se développera sans entraves par le biais du Programme Route et Ceinture.

Il appartenait donc aux « Quad » de mettre en oeuvre une nouvelle stratégie d’endiguement de la Chine.

D’un point de vue géopolitique, à Pékin, on prend les relations Chine-Inde  très au sérieux, justee derrière, en importance, les relations de la Chine avec les USA. Ces derniers temps, les relations Chine-Russie ont été ascendantes, se muant progressivement, par consentement mutuel, en « partenariat stratégique ».

Les relations Chine-Japon, pendant ce temps, peuvent être considérées comme tenant la quatrième place, quoi que des pans entiers  du public chinois semblent considérer le Japon comme la deuxième « plus grande menace » pour le « rêve chinois » du président Xi Jinping.

Toutefois, dès l’instant où Pékin aura consolidé son influence sur les routes commerciales maritimes à travers toute l’Asie Orientale, le Japon cessera de constituer un problème. Le vrai problème surgira si l’Inde décide jamais d’essayer de couper les routes maritimes de l’initiative chinoise et ses lignes d’approvisionnement complexes dans l’Océan Indien,  ou de s’en mêler.

La question géopolitique-clé du XXIe siècle est : comment l’ascension de la Chine « perturbera-t-elle » l’hégémonie américaine et comment parviendra-t-elle – probablement –  à permettre un siècle chinois. Eurasien, en fait.

La Chine et l’Inde ont tout ce qu’il faut pour être complémentaires. Toutes deux sont membres des BRICS, groupe qui comprend aussi le Brésil, la Russie et l’Afrique du Sud. Elles font également partie de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) tout en étant aussi des membres importants du G20. Et pourtant, New Delhi persiste à traiter Pékin non comme un partenaire mais comme une menace.

 Peur de la puissance émergente.

Xi Jinping, pour sa part, semble envisager sérieusement le « piège de Thucydide » : à savoir ce qui se produit quand une puissance émergente provoque la peur d’une puissance établie, et que cette peur déclenche une escalade vers la guerre. Il est remarquable que Xi y ait souvent fait allusion dans ses discours.

Ainsi, refermant la boucle historique entamée avec Alexandre, nous voici avec un lecteur très informé de l’Empire du Milieu, faisant preuve de son respect pour l’historien le plus éminent de la Gréce ancienne.

Ce qu’est en train de faire Xi, quand il en parle, c’est mettre en garde les USA et, par procuration, l’Inde, leur conseillant implicitement de ne pas tomber dans l’erreur qui a généré la Guerre du Péloponnèse, que tous les participants ont perdue.

C’est, en effet, la peur inspirée à Sparte par l’ascension d’Athènes qui a rendu la guerre inévitable (remplacez Sparte par Washington/Delhi et Athènes par Pékin). Athènes a été vaincue comme l’a été son modèle de démocratie. Mais c’est la Grèce toute entière qui a perdu la guerre, son déclin n’étant dès lors que le prélude à sa conquête par Philippe de Macédoine.

Jonque chinoise : Ce dessin moderne montre dans quelle proportion les bateaux de l’amiral Zhen He étaient plus grands que ceux de Vasco de Gama. Des cloisons intérieures étanches faisaient des jonques les grands navires les mieux en état de naviguer du XVe siècle. Des voiles en bambou plissé étaient suspendues aux mâts et un gouvernail à la poupe assurait le pilotage. Les navires d’exploration européens, quoique beaucoup plus petits, étaient aussi plus rapides.
Jonque chinoise : Ce dessin moderne montre dans quelle proportion les bateaux de l’amiral Zhen He étaient plus grands que ceux de Vasco de Gama. Des cloisons intérieures étanches faisaient des jonques les grands navires les mieux en état de naviguer du XVe siècle. Des voiles en bambou plissé étaient suspendues aux mâts et un gouvernail à la poupe assurait le pilotage. Les navires d’exploration européens, quoique beaucoup plus petits, étaient aussi plus rapides.

Inspiré par les expéditions de l’amiral Zhen He, la conviction de Xi est que la Chine est une puissance bienveillante avec sa Nouvelle Route de la Soie – énorme route commerciale et en même temps multiplicateur potentiel de richesses – développée comme l’archétype de la mondialisation 2.0 « gagnant-gagnant ».

Mais ne comptez pas sur l’Inde et sur les « Quad » pour jouer le jeu.

Pepe Escobar Asia Times

Source : http://www.atimes.com/article/china-will-not-fall-thucydi…

Via : https://russia-insider.com/en/china-will-not-fall-thucydi…

Traduction : c.l. pour Les Grosses Orchades

via:http://lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.skynetblogs.be/archive/2018/02/27/thucydide-pas-mort-8807116.html

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guibus
guibus
28 février 2018 11 h 41 min
“Plus de 200 millions d’Hindous sont musulmans”. Non. S’ils sont hindous ils ne sont pas musulmans.
Thomas MORE
Thomas MORE
28 février 2018 12 h 24 min
Répondre à  guibus
L’INDE des castes, l’Inde oligarchique, sœur jumelle de l’Angleterre! L’Inde qui suivra les Hébreux car fascinée par l’Aristocratie Occidentale! L’Inde qui sera la 5° colonne des Occidentaux sur le 21° siècle!!!! merci !!! Mais tu te trompes, ils sont Hindous ET musulmans, comme je suis Français et Catho!
gunsbourg
gunsbourg
28 février 2018 21 h 28 min
Répondre à  Thomas MORE

L ‘Inde a toujours fait partie des “non alignés” et anti-yankee ! Et même si une certaine élite reste attachée aux oripeaux de l’ Angleterre pour certains , ils n’ en sont pas moins indiens de l’ Inde ! Quand à l’ Hindouisme c’est bien une religion polythéiste faite de plusieurs dieux rassemblé par le brahman.
Pour mémoire le bouddhisme est une religion mondiale qui a surgi en Inde au VIe – Ve siècle avant Jésus-Christ !
Les chrétiens extrêmement minoritaire et persécutés , nous savons d’ où ils sont issus : ceux là vénèrent sans doute leur papesse la “Queen” !
Aussi l’islam est en Inde la deuxième religion après l’hindouisme soit 13 % de la population , soit environ 138 millions de personnes.
N’oublions pas Les Sikhs, qui habitent en majorité au Penjab, sont 20,8 millions (1,7 % de la population), les jaïns 4,4 millions (0,4 %). Le zoroastrisme et le judaïsme qui eux ont quelques milliers de fidèles sans doute très très très inféodés à la Queen et aux yankee !
Yusuff
Yusuff
28 février 2018 19 h 11 min
Répondre à  guibus
Linde m’aspire pas confiance. Ils sont toujours aligné sur le Yankees.

Originaie de l’inde ce hindou mais confession musulman.

Yusuff
Yusuff
28 février 2018 19 h 13 min
Répondre à  guibus
Guibus

Originaire de l’inde se de hindou confession musulman.

Yusuff
Yusuff
28 février 2018 19 h 10 min
Linde m’aspire pas confiance. Ils sont toujours aligné sur le Yankees.