
La Chine est passée maître dans cet art mais on voit de toute part d’autres pays qui abandonnent progressivement les États-Unis de manière plus ou moins subtile, comme l’Arabie Saoudite par exemple (2). Pour l’Union Européenne, quasiment le dernier bastion américaniste hors des US, la tâche est plus ardue. Notre équipe anticipe que les élections européennes de 2014, où la montée des extrêmes droites et des forces eurosceptiques est inévitable, mèneront à une explosion du cadre actuel de l’UE avec la possibilité pour l’Euroland de s’affirmer à sa place. Nous analysons en détail le cas européen dans ce numéro du GEAB.
Internationalisation à marche forcée du yuan qui vient décrédibiliser un peu plus le rôle central du dollar, perte du soutien saoudien qui était une pièce maîtresse dans l’édifice du pétrodollar, et perte du bastion américaniste UE remplacé par l’Euroland qui, s’appuyant sur l’euro, constitue une nouvelle menace pour les États-Unis : trois des derniers soutiens essentiels de la puissance américaine disparaîtront en 2014, poursuivant insidieusement le bouleversement mondial.
Les États-Unis ont fait le pari que la barrière de potentiel (3) entre le statu quo et le monde d’après est trop douloureuse à franchir, et que les pays, bien qu’ayant tout à gagner d’une nouvelle organisation du monde, ne passeront pas le Rubicon. C’est par exemple la Chine avec sa montagne de dollars en réserve qui ne vaudront plus grand- chose si elle bouge trop ostensiblement ; ou encore l’Arabie Saoudite qui perdra un gros client et une sécurité assurée si elle lâche les États-Unis. Sauf qu’il s’agit ni plus ni moins d’un froid calcul de coûts/bénéfices, et pour nombre d’acteurs les bénéfices commencent à dépasser les coûts. Selon LEAP/E2020, le pari américain est d’ores et déjà perdu.
Plan de l’article complet :
1. À L’OUEST, RIEN DE NOUVEAU
2. L’IMPOSSIBLE REPRISE US
3. TOUT SE RETOURNE CONTRE LES ÉTATS-UNIS
4. ARABIE SAOUDITE : OUVERTURE D’UN PAYS FERME
5. INTERNATIONALISATION DU YUAN
6. FRACTURE EST/OUEST
7. 2014 : RÉSOLUTION DE LA QUESTION NORD-CORÉENNE PAR LES BRICS
8. L’EUROPE EST MORTE, VIVE L’EUROPE !
9. EUROPE-D’AVANT, EUROPE-D’APRÈS
10. ÉMERGENCE DE CONTRE-SYSTÈMES
Nous présentons dans ce communiqué public des extraits des parties 1, 2 et 8.
À L’OUEST, RIEN DE NOUVEAU (4)
Du côté de la Fed, rien de nouveau donc. Rien de nouveau non plus aux problèmes du pays qui s’amoncellent et s’aggravent. On parle dorénavant de famine aux États-Unis dans les journaux mainstream (8) ; les crimes sont en augmentation constante depuis deux ans (9) ; la consommation de drogue explose (10) ; malgré les réductions budgétaires qui forcent des prisons à relâcher leurs prisonniers (11), il y a plus de prisonniers aux États-Unis que d’ingénieurs ou d’enseignants du secondaire (voir figure ci-dessous) ; malgré des chiffres officiels encourageants, le chômage de masse continue (12) ; les infrastructures sont sacrifiées (13) ; la recherche scientifique n’est plus financée correctement (14), etc. […]

L’IMPOSSIBLE REPRISE US
L’EUROPE EST MORTE, VIVE L’EUROPE ! (42)
Mais selon LEAP/E2020, cette refondation, si elle réussit, prendra du temps, beaucoup de temps, et la vraie échéance pour une UE démocratique est donc l’élection de 2019. Nous analysons longuement le sort de l’Europe dans la partie Télescope.
Or cette Union Européenne qui se meurt, c’est l’Europe inspirée et noyautée par les intérêts américains. C’est l’Europe réduite à un vaste marché commun qui doit sans cesse s’élargir. C’est l’Europe qui se couche devant Monsanto et s’en remet aux États membres (46), laissant ainsi le champ libre à la multinationale américaine. Ce faux-nez des politiques anglo-saxonnes, cette troisième béquille américaine, s’effondre. Mais ces décisions dictées par le cousin américain passent de plus en plus difficilement (47). Un autre exemple en est donné par l’adhésion de la Turquie à l’UE, choisie par l’agenda américain et non par les citoyens européens ni turcs (48) : déjà laborieuse, celle-ci sera définitivement condamnée lorsque des partis d’extrême droite investiront le Parlement européen en 2014.
Mais le continent n’attendra pas 2019 pour se réorganiser et la question concerne la forme que prendra l’Europe-d’après. Entre-temps, comme nous le verrons à la partie Télescope, l’Euroland a la capacité de construire un projet politique qui viendra combler le vide laissé par l’Union Européenne. […]
———-
Notes :
1 Tirés de Silence, 1837.
2 Chose inconcevable il y a peu…
3 En physique, cette notion désigne un obstacle qu’une particule ne peut franchir que lorsqu’elle a suffisamment d’énergie.
4 Titre d’un roman d’Erich Maria Remarque (1929).
5 Source : Business Insider, 13/11/2013.
6 Lire l’article édifiant « Confessions of a Quantitative Easer » (Wall Street Journal, 11/11/2013) ou sa traduction en français sur les-crises.fr.
7 Les dépenses du New Deal sont estimées à 50 milliards de dollars au total entre 1933 et 1940 (source : Forbes. Avec l’inflation, cette somme représente environ 850 à 900 milliards de dollars actuels (cf. US inflation calculator, alors que la Fed injecte 1020 milliards par an, soit plus d’un New Deal par an. Voir aussi Answers.com.
Il faut néanmoins nuancer ces chiffres puisque QE3 représente 6% du PIB alors qu’à l’époque les 50 milliards du New Deal représentent environ 50% du PIB (étalés sur 8 ans, soit également 6% par an).
8 « America’s new hunger crisis », MSNBC (30/10/2013). Voir aussi Reuters, 12/09/2013.
9 Source : Time, 24/10/2013.
10 Source : Bloomberg, 13/11/2013.
11 Source : par exemple CBS, 27/02/2013.
12 Sources : CNS News (22/10/2013), ZeroHedge (08/11/2013).
13 Source : Business Insider, 01/11/2013.
14 Sources : ThinkProgress (30/08/2013), The Tech (07/05/2013), etc. Même le prestigieux MIT est fortement touché : Boston Globe, 20/05/2013.
[…]22 Lire à ce sujet l’analyse d’Andy Xie, Caixin (05/11/2013).
[…]42 En référence à la formule « le roi est mort, vive le roi ! » prononcée initialement à la succession de Charles VI en 1422. Source : Wikipédia.
43 Il est intéressant de constater que toutes les « unions » (Union Européenne, Royaume-Uni, États-Unis) sont toutes en graves difficultés ; en particulier, le choix de ce nom reflète des principes de gouvernance qui ne sont plus adaptés à notre époque où une gouvernance décentralisée en réseau devient impérative pour gérer les grand blocs régionaux.
44 Source : EUObserver, 11/11/2013.
45 Source : Huffington Post, 10/10/2013.
46 Source : Die Zeit, 06/11/2013.
47 Ainsi, le maïs de Monsanto mentionné ci-dessus devrait encore être bloqué par de nombreux pays.
48 Seuls 20% des Européens et 44% des Turcs pensent que l’intégration de la Turquie serait « une bonne chose » (source : Hurriyet, 19/09/2013). Tandis que Hillary Clinton disait en novembre 2010 : « the United States […] support the membership of Turkey inside the EU. […] We don’t have a vote, but if we were a member, we would be strongly in favor of it. »