Haïti : Une autre claque

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par Serge H. Moïse.

Les dernières nouvelles font état d’un ultimatum du gouvernement uruguayen à celui de notre pays lui faisant injonction de respecter les principes de la démocratie moderne.

Le gouvernement colombien aurait semble-t-il emboîté le pas tandis qu’en terre brésilienne, des secteurs s’agiteraient dans le même sens également.

Comme si le séisme du 12 janvier 2010, les cyclones et ouragans qui ont suivi, le choléra faisant des dizaines de milliers de victimes, l’arrêt du 23 septembre de la cour constitutionnelle de la république voisine, le chômage endémique, l’impunité institutionnalisée ne suffisaient pas, des grands commis de l’État meurent ou sont assassinés dans des conditions non élucidées et dans une apparente indifférence des autorités concernées, les trois pouvoirs publics se livrent une guerre larvée, aux conséquences imprévisibles, mais qui risque d’être certainement dévastatrice pour la nation tout entière.

L’ingérence étrangère demeure une pratique courante au pays de Dessalines, elle est même souvent sollicitée et les plus naïfs le savent très bien.

Il s’avère donc impérieux, maintenant plus que jamais, pour que les forces vives de la nation soient mobilisées en vue de faire face intelligemment à cette situation cruciale à partir de cette concertation ouverte, franche et constructive que la population réclame à cor et à cri depuis belle lurette.

« Tout moun ladan’l » tel doit être le leitmotiv sur les lèvres de tous ceux qui ont à cœur une haïtianité certaine et veulent vraiment en finir avec cette descente aux enfers.

La mobilisation se renforce, les manifestations se multiplient et ne manqueront pas de faire des victimes dans tous les camps.

Toute cette commotion peut être évitée si le gouvernement se décide à se souvenir de notre passé récent et réaliser que quoiqu’il advienne, il ne fera que passer et que tôt ou tard il devra rendre compte de sa gestion, si ce n’est par devant les institutions répressives du moins par devers le tribunal de l’histoire.

À ce tournant infernal de notre histoire de peuple du quart-monde, pauvre et corrompu, à la traine de la communauté internationale, donnant raison à Victor Hugo, Gobineau et autres énergumènes du genre, les intérêts personnels ou de clan ne peuvent tenir la route.

Depuis plusieurs années des voix autorisées réclament la tenue d’une conférence nationale, hélas nos tares culturelles font blocage systématiquement et nous continuons de glisser chaque jour un peu plus bas.

La dernière interpellation des trois ministres par le sénat de la république, toute partisannerie mise de côté, s’est avérée une honte, une déception pour la nation tout entière.

La grève des avocats que soutiennent bon nombre de juges et d’autres corps professionnels, partout à travers le pays, n’est pas de bonne augure et ne rassure pas les justiciables.

Et pour être « in » nous parlons de « vetting » à la « CSCCA » cour supérieure des comptes et du contentieux administratif, ce qui ne fait qu’aggraver le dysfonctionnement de nos institutions déjà très mal en point.

Comment oublier le chômage endémique et les ravages du choléra ?

Autant de raisons majeures pour convaincre n’importe quel être humain doté du simple sens pratico-pratique, qu’il est temps de faire appel à tous les membres de la nation en devenir.

Maintenant plus que jamais, répétons-le, nos cœurs doivent palpiter au rythme de « tout moun ladan’l » oui, main dans la main, toutes nos énergies bandées en vue de sauver l’alma mater.

Que les représentants étrangers accrédités au pays se sentent dans l’obligation de faire des déclarations publiques, enjoignant nos acteurs politiques à faire enfin, ce qui se pratique dans toute société civilisée, se révèle à notre humble point de vue singulièrement symptomatique.

Il y a lieu pour l’actuel gouvernement de reconnaître qu’il est dépassé par les événements et d’inviter les autres secteurs de la vie nationale afin d’envisager une issue sinon heureuse du moins acceptable à la crise qui a déjà fait trop de victimes.

L’idéal pourrait être la formation d’un gouvernement de salut public qui bénéficierait d’une trêve immédiate, plancherait sur la réforme de nos institutions démocratiques et dans un délai raisonnable, organiser des élections inclusives, libres, honnêtes et crédibles.

Il faudrait donc déterminer la nature et la mission de ce gouvernement, la durée de son mandat et s’assurer de faire appel aux citoyennes et citoyens vraiment capables de se hisser à la hauteur de cette historique mission de sauvetage national.

Les enfants de Dessalines et de Pétion, doivent à eux-mêmes et aux autres de relever ce défi majeur avec intelligence, élégance et dignité, afin d’éviter une autre claque sur la gueule, laquelle pourrait s’avérer la dernière, en d’autres termes, l’ignoble fin d’un très beau rêve !

Me Serge H. Moïse av.